« On ne peut pas apprendre le piano adulte. Pour être bilingue, il faut commencer petit. Les hommes sont plus logiques que les femmes plus émotionnelles… »
Autant de préjugés qu’on entend régulièrement assène de manière catégorique dans les conversations quotidiennes….Et pourtant, quand on commence à creuser les origines ou les fondements scientifiques de ces « légendes du cerveau », la conversation tourne court ou alors se réduit à la validation par « témoignage » ou par « on dit »
On s’aventure en terre inconnue : d’un côté, l’être humain a besoin de certitudes (Kagan, Surprise, Uncertainty, and Mental Structures 2002) et de l’autre il est très difficile de remettre en cause ces propres opinions : on peut se retrouver à défendre une thèse complètement fausse car on ne veut pas se trouver pris en défaut par rapport à son propre système de pensée ( dissonance cognitive) (Moukheiber, votre cerveau vous joue des tours 2019) . Gérald Bronner dans la Démocratie des crédules (2013) met en relief l’idée qu’il est impossible de prouver que quelque chose n’existe pas (Argument ad ignoriam)
Alors comment démonter les neuromythes ? Comment redonner du sens à ces débats
Elena Pasquinelli dans son ouvrage Mon cerveau, ce héros insiste sur le phénomène de « neurophilie » : nous avons envie de comprendre le fonctionnement de notre cerveau et de suivre les avancées de la science mais tout en nous basant sur des raccourcis de pensée ou de communication afin de fournir un effort cognitif minimal.
La vulgarisation scientifique est ainsi un exercice de haute voltige : les chercheurs spécialisés ne sont parfois pas de bons communicateurs et les « experts » médiatiques ne sont eux pas toujours à la pointe des avancées de la recherche dans un domaine précis. Les neurosciences étant de plus à la pointe des découvertes technologiques on se contentera d’un titre sensationnel ou d’un résumé succinct qui donnera souvent lieu à des interprétations approximatives voire des projections fantaisistes.
Les neuromythes sont avant tout de jolis contes scientifiques : Qui n’a pas envie de croire que ces notes catastrophiques en mathématiques sont dues au fait que « je ne suis pas doué pour les maths ou que mon cerveau est plus artistique que logique ? » ou que si on faisait l’effort de muscler son cerveau avec des exercices de gym brain, on aurait la capacité de le développer mais que bon la maintenant, on n’a pas le temps… ?
Cela peut-être sans conséquence si ça ne concerne qu’un individu à titre personnel. Le problème des neuromythes se posent quand on les applique comme des stratégies d’éducation ou de formation. Les différences entre le cerveau féminin masculin, les premières années de l’apprentissage sont des mythes qui peuvent être présents dans les milieux éducatifs et poser des soucis si on les utilise comme des stratégies pédagogiques. Il importe ainsi en tant qu’enseignant ou que formateur de ne pas se contenter de la « culture générale ou populaire » mais de chercher à suivre el développement de l’actualité de la recherche autour des neurosciences et de l’éducation. De nombreux chercheurs étudient els relations et les applications entre le développement des découvertes en neurosciences et l’éducation. Ainsi le site Prim à bord, le portail du numérique pour le premier degré donne des pistes pour la formation professionnelle des enseignants Qu’est-ce que les neurosciences cognitives ? ainsi qu’une liste de chercheurs spécialisés dans les neurosciences en lien avec l’éducation.
Intégrer les neurosciences à l’école par exemple ne peut se faire comme un transfert direct (ce qu’Elena Pasquinelli tente de montrer dans son dernier Du Labo À l’École, Science et Apprentissage À nous éducateurs de faire la part des choses. Il ne s’agit pas de nier et de rejeter en bloc certaines représentations qui sont parfois très bien ancrés dans le cerveau des enfants ou des adolescents mais de leur donner les outils et les réflexes intellectuels pour exercer un doute méthodique : ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre par exemple dans les théories complotistes.
L’un des domaines du socle commun de connaissances et compétences : Apprendre à apprendre relève dans une certaine mesure de la compréhension des mécanismes de l’apprentissage par les élèves. Commencer par réfléchir sur nos propres biais par rapport a notre cerveau en tant qu’enseignant, c’est le début d’une très belle aventure qui nous fera découvrir de nouvelles approches éducatives et sera l’occasion de partager ces découvertes avec nos élèves.
Bibliographie :
Gérald Bronner. La Démocratie Des Crédules. Paris, Puf, 2013.
Kagan, Jerome. Surprise, Uncertainty, and Mental Structures. Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2002.
Moukheiber, Albert. Votre Cerveau Vous Joue Des Tours. Paris, Éditions J’ai Lu, Dl, 2020.
Pasquinelli, Elena. Du Labo À l’École, Science et Apprentissage. Paris, Ed. Le Pommier, Dl, 2014.
Pasquinelli, Elena Mon Cerveau, Ce Héros : Mythes et Réalité. Paris, Éd. Le Pommier, Dl, 2015.
Prim à bord, . “Qu’est-Ce Que Les Neurosciences Cognitives ?” Prim à Bord, Education Nationale, 8 Nov. 2021, primabord.eduscol.education.fr/qu-est-ce-que-les-neurosciences-cognitives.